SATSANG AVEC PARAMAHAMSA VISHWANANDA,
ÎLE MAURICE,

22 OCTOBRE 2019

Paramahamsa Vishwananda a partagé ce que sont les qualités d’un dévot sincère et l’a illustré de quelques histoires de la vie de Narsinh Mehta, le saint et compositeur du beau bhajan ‘Vaishnav Jan To’. Il a lu la traduction de ce bhajan, tout en ajoutant des commentaires sur sa signification.

Jai Gurudev,

Question : être un dévot sincère, ça demande quoi ? 

Oh, c’est difficile ! 

Vous l’avez dit dans la question : de la sincérité. Vous devez savoir ce qu’est un dévot. En ayant reçu l’initiation de dévot, vous vous êtes donné au Seigneur, n’est-ce pas ? C’est ça être un dévot : vous êtes ici pour Le servir et vous vous êtes confié à Ses soins. Être dévot, ce n’est pas seulement porter le tilak et le kanti (collier de Tulsi) et vous balader avec votre sac à mala en proclamant ‘je suis un dévot’. Non, il ne s’agit pas de cela. Un(e) dévot(e) a de l’Amour en lui/elle. 

Lorsque nous faisons l’initiation pour devenir dévot dans une tradition Vaishnava, il est d’usage que nous ayons la même qualité que le Seigneur Suprême Lui-même. Il nous est impossible d’être différent de Lui ; Il est le Maître, le Seigneur, le Bien-Aimé et en tant que dévot, nous devons Le refléter. Si ce n’est pas le cas, comment pouvez-vous dire être dévot ? Alors en premier lieu, c’est cette qualité qui doit s’éveiller en vous. 

La première qualité du Seigneur, c’est d’aimer ; Il prend soin de nous et Il s’oublie pour le bien de Ses dévots. Il y a plein d’histoires dans la Shreemad Bhagavatam qui en parlent, car la Shreemad Bhagavatam relate les histoires du Seigneur qui S’oublie Lui-même pour Ses dévots. C’est là ce qui fait toute la douceur d’un dévot. Quand vous voyez quelqu’un qui se dit dévot mais qui est encore bien empli d’orgueil et d’arrogance, alors cette personne est encore en chemin. 

Vous avez entendu parler de Narsinh Mehta ? ‘Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je, Pīd Parāyi Jāne Re’ est un bhajan célèbre qu’il chantait. 

Ce bhajan est si beau. Récemment, tout le monde l’a chanté car les ambassades indiennes présentes dans le monde entier ont célébré le 150ème anniversaire de Gandhi. Les ambassades ont mis l’accent sur ce bhajan parce que Gandhi l’aimait beaucoup. Mais pourquoi l’aimait-il tant ? Il y a tant de belles chansons, alors pourquoi ce bhajan-là lui tenait autant à cœur au point de tout le temps le murmurer ?

J’en ai la traduction juste ici, je vais vous la lire et il n’y a aucun besoin d’en expliquer quoi que ce soit. La traduction ne s’applique qu’au bhajan mais c’est tellement beau, le nectar qu’il donnait et la façon de le chanter – c’est magnifique. 

Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re
Par Dukhkhe Upkār Kare Toye
Man Abhimān Na Āne Re
Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re

La première ligne dit ‘Celui qui est un vrai dévot, celui qui est un Vaishnava’, parce que bien sûr il existe de nombreux chemins mais ici, Narsinh Mehta explique clairement ce qu’est un dévot, ce qu’est un Vaishnava. D’abord, vous avez de la compassion pour les autres, vous ressentez quand quelqu’un souffre et vous ressentez cette douleur vous traverser. Vous êtes prêts à aider ceux qui sont dans la souffrance. Et l’esprit d’un Vaishnava ne se laisse jamais contrôler par la fierté et l’ego. N’est-ce pas magnifique ? Cela signifie que vous devez être humble. 

Lorsque vous dites être un dévot, c’est que vous avez pris refuge aux Pieds du Maître spirituel et alors il ne s’agit plus de vous, rien ne vous appartient mais tout Lui appartient. Vous ne vous appartenez plus mais vous Lui appartenez. Alors comment avoir une quelconque fierté là-dedans ? Comment laisser l’ego s’épanouir et dire ‘je, moi, c’est à moi’, car tout devient à Lui. C’est ça un dévot : il ne s’agit pas de seulement de le dire mais aussi de le savoir et d’y croire. 

Sakal Lok Mān Sahune Vande
Nindā Na Kare Keni Re
Vāch Kāchh Man Nishchal Rākhe
Dhan Dhan Jananī Teni Re
Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re

Un Vaishnava a du respect envers le monde entier. Ici, il est dit qu’il a du respect non seulement pour les êtres humains et pas juste pour les gens qui vous aiment, mais aussi pour le monde entier. ‘Vasudhaiva Kutumbakam’ : le monde est une seule et même famille. Ceci est un rappel que dans nos Shastras, nous sommes une seule et unique famille, et que l’humanité est notre véritable Soi. 

Les dévots ne dénigrent personne, ils gardent leurs mots, actions et pensées purs. Ils sont positifs. Il dit que les mères de ceux qui ont cette qualité sont bénies. Ici, ‘mère’ renvoie aussi à la Terre natale, votre environnement, et pas seulement votre mère physique. 

Sam Drishti Ne Trishna Tyāgi
Par Strī Jene Māt Re
Jivha Thaki Asatya Na Bole
Par Dhan Nav Jhālī Hāth Re
Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re

Les dévots voient tout de manière égale.  Ils ont renoncé à l’avidité et à l’avarice dans leur façon de voir les autres. Ils ont perçu que le monde entier est leur famille, l’Atma, et que nous sommes tous reliés. Nous venons tous du même endroit n’est-ce pas ? Ainsi donc, nous sommes tous reliés par l’Atma. Nous n’avons pas forcément des liens de chair et de sang, mais par l’Atma, nous nous connaissons tous. 

La langue d’un Vaishnava peut être fatiguée, ils ne mentiront pas et leurs mains ne voleront jamais les autres.

Moh Māya Vyāpe Nahi Jene
Dridh Vairāgya Jena Man Mān Ne
Rām Nām Shūn Tāli Lāgi
Sakal Tīrath Tena Tan Mān Re
Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re

Narsinh Mehta dit que les Vaishnavas ne sont pas attachés au monde car ils sont attachés aux Pieds du Seigneur. Ils sont détachés des plaisirs du monde car voyez-vous, tous les plaisirs du monde vous rendront malheureux et misérables. Mais les Vaishnavas ne le sont pas parce qu’ils ont le Seigneur avec eux ; si leur mental est complètement absorbé en Lui, comment pourraient-ils être malheureux ?   

Ils ont été attirés par le Nom du Seigneur Lui-même. Ils sont si amoureux, ils débordent tellement du Nom Divin que plus rien d’autre n’a d’importance. Tous les lieux saints sont en eux. C’est ça un dévot/une dévote. C’est pour cette raison que Bhagavan dit : ‘Tu peux M’offenser et Je te pardonnerai. Mais si tu offenses Mon dévot/Ma dévote, Je viendrai personnellement te chercher.’ Il y a un verset connu qui dit : “Si quelqu’un veut me blesser, Krishna me protégera.”

‘Rakhe Krishna Mare Ke, Mare Krishna Rakhe Ke’, ce si beau verset dit : ‘Rakhe Krishna Mare Ke’ : ‘si Krishna me protège alors personne ne peut me faire du mal. Mais si Krishna veut me faire quelque chose, personne ne peut me protéger.’ Seul le Maître spirituel le peut. C’est pour cela que dans ce verset, il est dit que tous les lieux saints de pèlerinage sont présents en ce dévot pur.

Van Lobhi Ne Kapat Rahit Chhe
Kām Krodh Nivārya Re
Bhane Narsaiyyo Tenun Darshan Karta
Kul Ekoter Tārya Re
Vaishnav Jan To Tene Kahiye Je,
Pīd Parāyi Jāne Re

Les Vaishnavas, en l’absence d’avidité et de duperie, ont renoncé à la colère et à la luxure. L’auteur, Narsinh Mehta, se sent formidablement bien et béni d’être parmi des gens si dévoués.

Voilà ce qu’est un dévot. Les dévots reflètent le Seigneur en personne. Et ce n’est pas faire son show à l’extérieur ou s’habiller avec des vêtements fantaisistes et exotiques, de mettre un tilak original sur votre front et de vous balader avec votre mala. Le cœur d’un dévot/d’une dévote s’est transformé pour devenir le cœur du Seigneur de manière à ce que chaque parcelle du dévot ne reflète que le Seigneur.

L’histoire de Narsinh Mehta

Il y a une belle histoire dans la vie de Narsinh Mehta, alors qu’il chantait pour Krishna. Tout d’abord, Narsinh Mehta était un dévot (bhakta) de Shiva. Lorsqu’il était petit, il était très bête et ses parents s’occupaient de lui, mais une fois qu’ils sont morts, c’est son frère et sa belle-sœur qui se sont occupés de lui ; mais celle-ci ne l’aimait pas beaucoup, elle était toujours en train de le provoquer. Alors un jour, lorsqu’il était tout petit, il a quitté la maison jusqu’à la forêt tout près avec l’intention de mettre fin à ses jours. Alors qu’il pénétrait en plein cœur de la forêt, il vit un temple en ruines dans lequel il entra, vit un Shiva Lingam et dit : ‘je vais me tuer. Je vais me frapper la tête sur le Shiva Ling.’ Puis, alors qu’il était en train d’y penser, il s’agenouilla, se frappa la tête et s’endormit. Et pendant son sommeil, il a fait un rêve où le Seigneur Shiva est apparu devant lui en disant : ‘Mon cher enfant, pourquoi veux-tu mettre fin à tes jours ? Tu es destiné à quelque chose de grand. Tu es voué à toucher la vie des gens.”

Narsinh Mehta répondit au Seigneur Shiva : ‘es-tu sûr que tu parles de moi ? Je ne sers à rien. Tout le monde me dit que je ne sers à rien !’

Alors, le Seigneur Shiva le bénit et lui dit : ‘Aie de la dévotion pour Krishna.’

Narsinh Mehta répliqua : ‘Mais, je ne sais rien, comment pourrai-je avoir de la dévotion pour Krishna ?’

Shiva lui toucha la tête et le bénit avec le Kedaar Raag. Le Kedaar Raag est très précieux pour le Seigneur Shiva : Ravana l’avait vénéré en chantant le Kedar Raag.

En revenant à lui, Narsinh Mehta était complètement métamorphosé. Et c’est là qu’il a commencé à faire des louanges ; à chaque fois qu’il ouvrait la bouche, un poème sortait de ses lèvres en adoration pour le Seigneur Krishna. Il devint célèbre car à chaque fois qu’il chantait, une guirlande volait du cou de Krishna pour se mettre autour de son cou. Où qu’il aille, cela se produisait. Évidemment, la jalousie s’immisçait aussi dans le mental des gens. Un jour, des brahmins passaient par là et Narsinh Mehta était si heureux qu’il voulait les inviter chez lui mais il se rendit compte qu’il n’y avait rien chez lui. Il voulait leur préparer à manger – car quand des brahmanas viennent chez vous, vous vous devez de leur offrir quelque chose à manger. Vous ne pouvez pas juste leur dire de venir et c’est tout. De nos jours, vous avez un invité chez vous et vous ne leur offrez même pas un verre d’eau. Mais cela ne fait pas partie de notre culture. 

Dans notre culture hindoue, lorsque quelqu’un vient chez vous, la première chose que vous lui offrez c’est un verre d’eau et ensuite vous lui offrez de la nourriture. J’ai vu cette même coutume en Grèce et en Russie, mais jamais en Europe où c’est à peine si vous obtenez un verre d’eau quelque part. C’est vrai ! En Europe, il faut appeler les gens et prendre rendez-vous selon leur disponibilité. Mais dans les temps anciens, c’était le cas aussi en Occident : lorsque les gens allaient rendre visite à d’autres personnes, que faisaient-ils ? Non seulement les hôtes offraient de l’eau mais ils avaient coutume de laver les pieds de leurs invités. Mais ça, c’est terminé maintenant.

Ainsi, Narsinh Mehta voulait leur offrir de la nourriture. Alors il demanda à sa femme qui répondit : ‘Que veux-tu offrir ? Il n’y a rien dans la cuisine, rien.’ Narsinh Mehta se rua vers l’épicerie, demandant des lentilles (dhal) ou chawal, du riz etc. mais il n’avait pas d’argent sur lui. Comment payer ? Donc, il laissa son Kedar Raag en gage en disant : ‘S’il vous plaît, je vous donne mon Kedar Raag en gage, je ne chanterai rien du Raag jusqu’à ce que je vous rembourse l’argent. Une fois que vous me l’aurez rendu, alors je le chanterai à nouveau.’

L’épicier le connaissait et lui répondit : “D’accord, très bien.”

Donc Narsinh Mehta a préparé la nourriture pour leur donner. Mais ces gens-là avaient une autre idée derrière la tête. Ils voulaient l’entendre chanter et ils voulaient voir la guirlande se mettre autour de son cou, donc ils le lui demandèrent. Alors Narsinh Mehta chanta de nombreux bhajans et de nombreux kirtans pour Krishna mais pas le Kedar Raag. Bien sûr, ce phénomène ne se produisait que lorsqu’il chantait le Kedar Raag car ce Raag était béni du Seigneur Shiva, et tout ce qui est cher à Shiva, est cher à Krishna. Donc, il ne chanta pas le Kedar Raag.

Les Brahmans sont partis très remontés et sont allés se plaindre au roi : “Ce Narsinh Mehta, il ment aux gens. Il dit qu’il est un grand dévot mais c’est faux” et ils ont dit toutes sortes d’autres choses, si bien qu’ils ont monté la tête du roi contre Narsinh Mehta – vous savez comment fonctionnent les ragots. Alors le roi a voulu lui-même mettre au défi Narsinh Mehta. Le roi avait cette belle déité du Seigneur Krishna dans son palais et il demanda à son serviteur de faire une guirlande avec de la ficelle très solide et de la placer joliment sur Krishna. Et ils invitèrent Narsinh Mehta pour chanter. Et bien sûr, Narsinh Mehta chanta tous les Raagas, sauf le Kedar Raag.

Le roi s’impatienta, il attendait et attendait encore, pendant des heures et des heures et rien ne se produisait. Puis, il dit : “Comment ça se fait qu’on dit que lorsque tu chantes pour le Seigneur Kirshna, la guirlande va sur ton cou mais là rien ne se passe ?”

Narsinh Mehta ne voulait pas dire qu’il avait mis le Kedar Raag en gage. Alors il ferma les yeux et pensa à Krishna : “Seigneur, c’est Toi qui m’a mis dans ce dilemme. Je sais que c’est Ton lila.” Voici une autre qualité d’un(e) dévot(e). Un(e) dévot(e) perçoit la main du Seigneur en tout, car il/elle sait qu’il/elle n’est jamais seul(e). C’est Lui qui fait tout. Ainsi, Narsinh Mehta dit : “Seigneur, tout est Ta volonté, qu’il en soit ainsi.”

Ainsi, voyant le dilemme de Son dévot, Bhagavan prit l’apparence de Narsinh Mehta lui-même, alla chez l’épicier tard dans la nuit et frappa à la porte. L’épicier dormait et c’est son épouse qui ouvrit la porte, mais l’épicier demanda de loin : ‘Qui est-ce ?’ ‘c’est Narsinh Mehta.’

Et Il paya l’argent pour le Rag. Puis, Il demanda : ‘Pourriez-vous s’il vous plaît me donner un reçu comme quoi j’ai bien rendu l’argent ?’ Alors l’épicier le Lui donna et cela enleva le gage sur le Kedar Raag. Alors Krishna accourut au palais à toute vitesse, prit l’apparence d’un garçon normal, S’approcha de Narsinh Mehta, lui donna le reçu et partit.
Narsinh Mehta ouvrit ce papier et lut : ‘Le Raag n’est plus en gage.’ Le mot le fit sourire, il chercha le garçon mais il avait disparu. Il savait que c’était le Seigneur Krishna Lui-même qui était venu sauver Son dévot. Car s’Il n’était pas venu, le roi l’aurait décapité. Ainsi, Bhagavan Lui-même était venu le sauver. Il sourit et se mit à chanter ce Raag. La vibration dans ce lieu était si élevée que tous étaient en extase. Puis, Krishna Lui-même est venu, a pris la guirlande de la déité et la mit autour de Narsinh Mehta. Voyant cela tout le monde fit son éloge, en lui demandant pardon et en lui demandant de devenir son disciple.

Ainsi, vous voyez comme la relation entre un dévot et Bhagavan est unique. Vous pouvez dire être dévot seulement quand vous avez cette relation unique, cette intimité, cette relation personnelle avec Lui. Et seulement là vous pouvez dire : ‘je suis Son/Sa dévot(e).’  Alors, vous reflétez toutes Ses qualités. Il ne s’agit pas de vous mais de Lui. Vous n’existez pas, il n’y a que Lui.

Dans ses poèmes, Tukaram disait : ‘Qui est Tuka ? Tuka se balade par-ci par-là comme un fou, chantant continuellement le Nom de Vitthala’, parce qu’il a été consumé par Son Nom. Il dit : ‘Je suis tellement consumé par Son Nom qu’il n’y a plus que Lui qui reste.’ Ainsi, un(e) dévot(e) devrait être comme ça.

Jai Gurudev à tous !